
Une vieille écrivaine mourante, laisse derrière elle un manuscrit inédit et désordonné avec des pages manquantes. Venus pour la filmer, un réalisateur, un cameraman et une scripte vont s’acharner à le reconstituer. Mais la vieille dame auteur n’est pas seule, il y a notamment auprès d’elle un garçon au bonnet rouge ou encore un certain Hans, muet.
Le narrateur incarné en personnage
« Ce personnage du narrateur m’occupe depuis quelque temps. Et même depuis longtemps puisqu’il est né avec l’un de mes livres, publié en 2004. C’est un roman qui s’appelle Le Narrateur. C’est d’ailleurs l’histoire d’un personnage qui s’appelle « le narrateur » où je racontais sa vie, ses rapports avec autrui, avec les gens qu’il rencontrait. Mais aussi sa solitude, son étrangeté, son côté comique. Je me suis intéressée d’un coup à ce personnage qui précisément n’en n’est pas un. Je ne sais pas pour quelles raisons, mais j’ai eu envie de l’incarner. Qu’il soit comme un personnage de fiction. Je pensais en avoir fini avec lui mais il est revenu, un peu à mon insu dans l’un ou l’autre de mes livres à tel point que j’ai fini par vivre mentalement avec. Il est parfois là, avec moi et parfois moins. » Anne Serre
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Écrire un livre comme dans une petite barque sur une rivière
« J’écris assez vite, en quelques mois. Et finalement, le travail, le vrai travail je crois comme le disait Barthes dans son extraordinaire cours sur le roman, se fait avant, entre deux livres c’est-à-dire pendant qu’on n’écrit pas. Pendant qu’on rêve, qu’on rumine, qu’on souffre parce qu’on n’y arrive plus. Ou encore pendant qu’on pense que c’est fini et qu’on n’y arrivera plus jamais. Qu’on note des choses, qu’on n’en note pas. Le travail est là. Il avait cette formule extraordinaire : « le début du livre, c’est la fin du travail ». J’ai toujours cette impression. Une fois que le livre commence, après avoir ruminé pendant un an et demi mais pas sur ce livre-là spécifiquement, on note une première phrase qui contient le livre. Et d’une certaine manière, ensuite, ça va tout seul. C’est comme être embarqué sur une rivière. » Anne Serre
Être aux côtés de Rousseau, de Proust et bien d’autres
« J’ai de plus en plus l’impression de devoir, en vers moi-même, rendre hommage à tous les auteurs qui m’ont donné tellement de joie. J’ai eu d’autres sortes de joie dans mon existence, naturellement mais celle-ci, qui ressemble à la félicité qui est une joie extrême m’est venue depuis l’enfance, en lisant. Surtout des romanciers, et quelques poètes contemporains et d’autrefois. Plus ça va, plus tous ces êtres que j’aime et que j’ai passionnément aimé finalement forment une espèce de foule autour de moi. Par exemple, quand j’écris une histoire, j’ai vraiment l’impression que dans la pièce au sein de laquelle je suis entourée de livres, ces auteurs sont là. Cela m’émeut presque de raconter ça. Je suis en train d’écrire une histoire et c’est comme si Rousseau était assis là dans mon fauteuil jaune. Ou même Proust avec un sourire charmant. Ces grands auteurs sont très bienveillants. C’est le sentiment complètement fou que j’ai : ils jettent sur moi un regard à la fois tendre et légèrement amusé. » Anne Serre
Archives :
Julien Green, émission À voix nue : grands entretiens d’hier et d’aujourd’hui, Vivianne Forrester, France Culture, 15/03/1995
Nathalie Sarraute, émission Écrivains du XXe siècle, Francine Mallet, France Culture, 25/11/1972
Peter Handke, émission Boomerang, Augustin Trapenard, France Inter, 30/11/2020
Références musicales :
Mocke, Quel est ton parcours ?
Mocke, Tu connais Babare
Franz Schubert, Ständchen, par Dietrisch Fisher Dieskau
Claire Vailler, Tout a changé si vite
Paru en premier sur Radio France