Entre enchantement et désenchantement, fascination et malaise, un mystérieux microcosme s’illumine sous la lumière noire. Le plasticien Julien Salaud nous invite à entreprendre un voyage immersif et onirique, engendrant des réflexions sur l’écologie. C’est le deuxième épisode que « Par les temps qui courent » consacre à sa semaine étrange noël de France Culture.

La nécessité d’une nature en bonne santé
« C’est assez facile de rentrer dans la ronde ou le quotidien des animaux sauvages. Qu’ils soient grands ou petits, prédateurs ou proies, quand on respecte les règles on peut assez rapidement trouver sa place dans un milieu naturel. Je suis issu d’une famille naturaliste du côté de mon père donc j’ai été sensibilisé au dessin ou à la photographie animalière quand j’étais tout petit. On lançait des cacahouètes pour photographier les geais, on attrapait les couleuvres et élevait des chenilles de Machaon. J’ai aussi travaillé dans l’environnement pendant trois années en Guyane française où j’ai découvert des territoires sauvages assez complets pour avoir une idée de ce qu’est une nature en bonne santé. C’est perçu comme étrange pour les autres Français parce qu’ici la nature est morte et subclaquante. La santé de la nature est aussi nécessaire à mon équilibre vital que de manger, boire ou faire l’amour. » Julien Salaud
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Des animaux jusqu’aux étoiles
« Le plus important pour moi dans les théories de Chantal Jeguez Wolkeviez était que les points principaux des animaux représentés dans les grottes correspondaient aux étoiles dans le ciel de l’époque. En plus, c’était au moment du solstice d’été dans une grotte où selon elle, le soleil rentrait ce jour-là précisément. Depuis, elle a développé des recherches où elle montre que les grottes étaient choisies très certainement pour leur inclinaison qui faisait entrer la lumière du soleil selon le calendrier. Cela m’intéressait parce que quand les hommes préhistoriques rentraient dans les grottes de Lascaux au solstice d’été avec le soleil, en regardant les animaux, ils voyaient ce qu’il y a de plus lointain dans notre univers à savoir les étoiles. Ces dernières sont les choses familières qui sont les plus lointaines dans notre monde à nous. C’est comme si les parois des grottes devenaient transparentes. » Julien Salaud
La transe, une expérience d’altérité
« J’ai expérimenté la transe de manière sauvage par des piqures d’insectes. Quand leur venin est entré à l’intérieur de moi, j’ai fait d’un seul coup une expérience d’altérité. Mon intérieur et mon extérieur n’étaient plus différenciables. C’est-à-dire que des choses obsolètes sont sorties et d’autres ont pu rentrer. Ces choses étaient très contemporaines parce qu’elles étaient dans l’air de la forêt. C’est comme ça que j’ai pu me transformer. C’est la métamorphose qui est aussi au cœur de mon travail. Du coup, avec mes pièces, j’essaie de mettre les gens dans une expérience qui serait à peu près similaire. Mes installations sont toujours faites en collaboration avec des étudiants, des bénévoles qui m’aident car dans « Stellairoscope » par exemple il y a en tout 35 000 vices, 11 000 clous et 40 kilomètres de coton ! » Julien Salaud
Archives
Aline Penitot et Julien Vergne, émission LSD la série documentaire, Perrine Kervran, France Culture, 02/05/2022
Chantal Jeguez Wolkeviez, Lascaux, le ciel des premiers hommes, documentaire de Stéphane Bégoin et Vincent Tardieu, Arte, 2007
Jacques Derrida, émission Du jour au lendemain, Alain Veinstein, France Culture, 16/07/1999
Alejandro Jodorowsky, émission Paso Doble, le grand entretien de l’actualité culturelle, Tewfik Hakem, France Culture, 25/04/2017
Références musicales
Enregistrement d’un son de trou noir par la NASA, piste audio de l’installation « Stellairoscope » de Julien Salaud.
Camille, Senza
Colleen, Floating in the clearest
Aphex Twin, Alberto Balsalm
Boni et Wayana de Guyane, Chant de l’homme désespéré
Lecture de Vivre avec le trouble de Donna Haraway, 2020, par Valentin Rémy
Paru en premier sur Radio France